Ressources numériques en sciences humaines et sociales OpenEdition Nos plateformes OpenEdition Books OpenEdition Journals Hypothèses Calenda Bibliothèques OpenEdition Freemium Suivez-nous

L’évolution du personnel dans les communautés hospitalières dans le diocèse d’Amiens du XIIe au XVIe siècle – Louis Barbier (M2 Pouvoir et Société)

Dans ce nouvel article de notre rubrique “Paroles d’étudiants”, nous donnons la parole à Louis Barbier, étudiant en deuxième année du Master Histoire, Civilisations et Patrimoine, parcours Pouvoir et Société. Pour son mémoire, il a choisi d’étudier l’évolution du personnel dans les communautés hospitalières du diocèse d’Amiens, du XIIe au XVIe siècle. Ce travail est encadré par Messieurs Pascal Montaubin et Philippe Racinet, respectivement maître de conférence et professeur en histoire médiévale à l’Université de Picardie Jules-Verne.

Est-ce que tu peux présenter ton parcours universitaire ?

Je suis étudiant en deuxième année du master Histoire, Civilisations et Patrimoine, parcours Pouvoir et Société. J’ai commencé mes études avec une licence d’histoire à l’Université de Picardie Jules-Verne. Dès ma deuxième année, j’ai opté pour le parcours histoire approfondie; cette formation correspondait le plus à mes attentes car elle est à la fois l’une des plus recommandées pour faire de la recherche par la suite, et elle nous permet de développer sensiblement nos connaissances historiques et historiographiques pour chacune des périodes historiques.

En licence 3, j’ai réalisé un mini-mémoire sous la direction de M. Montaubin, maître de conférences en histoire médiévale à l’Université de Picardie Jules-Verne. Mon sujet portait sur la réforme monastique en Lorraine au Xe siècle. Dans ce cadre, j’ai étudié en particulier la vie de Jean de Vandières, également connu sous le nom de Jean de Vandières de Gorze. C’est un moine bénédictin et une figure importante dans l’histoire de l’abbaye de Gorze, située dans l’est de la France, fondée au VIIIe siècle et constituant un important centre monastique et spirituel à l’époque. Jean de Vandières est né vers l’an 900 et a rejoint l’abbaye de Gorze en tant que moine. Il a joué un rôle significatif en tant qu’abbé et réformateur de l’abbaye, et il est connu pour sa piété et son engagement envers la vie monastique. Il a œuvré pour restaurer la discipline et la règle monastique à Gorze, renforçant ainsi la spiritualité et la renommée de l’abbaye. Je me suis appuyé sur sa biographie, rédigée par Jean de Saint-Arnoul à la fin du Xe siècle, et notamment sur la traduction réalisée par Michel Parisse publiée en 2000 (La vie de Jean, abbé de Gorze).

Pourquoi avoir choisi ce master ?

Après l’obtention de ma licence, poursuivre mes études en master semblait être une étape logique afin de continuer dans le domaine de l’histoire. De nombreux étudiants poursuivent en master, ce que j’ai fait par volonté d’être encadré par les professeurs qui m’avaient fait découvrir la recherche en histoire. Initialement, j’avais formulé un vœu pour aller à la Sorbonne mais j’ai finalement choisi de rester sur Amiens.

J’ai choisi le parcours recherche plutôt que le parcours professionnalisant, car je ne m’étais pas encore fixé sur un métier précis et je ne me retrouvais pas dans les perspectives offertes par les parcours professionnalisants. De plus, mes projets d’avenir me portent vers les métiers de la recherche. Enfin, mon initiation à la recherche lors de ma troisième année de licence avait été très formatrice et structurante et m’avait donné envie d’explorer davantage le monde de la recherche.

De quoi traite ton sujet ?

Je travaille sur les communautés hospitalières dans le diocèse d’Amiens du XIIe au XVIe siècle. Je suis dirigé par Messieurs Pascal Montaubin et Philippe Racinet, respectivement maître de conférences et professeur en histoire médiévale à l’Université de Picardie Jules-Verne. Mon objectif est d’étudier le personnel et l’évolution de ces communautés hospitalières, en mettant l’accent sur le passage d’une majorité de frères à une prédominance de sœurs à partir du XVIe siècle. Je cherche à questionner et à comprendre ce processus de féminisation dans les communautés monastiques, en utilisant le prisme des communautés hospitalières.

Pourquoi avoir choisi ce sujet de recherche ?

Comme je l’ai mentionné précédemment, j’ai déjà réalisé un mini-mémoire en histoire médiévale qui m’avait beaucoup plu. Cependant, choisir l’histoire médiévale n’était pas la voie la plus évidente pour moi. Lorsque j’étais au lycée, j’étais plutôt intéressé par l’histoire contemporaine et l’étude des phénomènes guerriers contemporains. Grâce à la licence, j’ai pu explorer des pans de l’histoire assez vastes et des périodes historiques différentes, tout en approfondissant certains points, ce qui a été très enrichissant. Finalement, j’ai décidé de m’orienter vers l’histoire médiévale. Lorsque je suis arrivé en master 1, je n’avais pas d’idées précises sur un sujet de mémoire, même si je voulais travailler un sujet local et explorer quelque chose de nouveau pour moi. C’est après quelques discussions que Monsieur Montaubin m’a proposé le sujet des communautés hospitalières, dont il est l’un des spécialistes pour le nord de la France.

Salle d’hopital a l’Hotel Dieu de Paris. Les bonnes soeurs sont designees par le nom de vertues : la prudence, l’attrempence (temperance), la force et la justice. Gravure d’apres une miniature du 15eme siecle. ©Costa/Leemage

Quelles sont tes hypothèses de travail, ta problématique et les enjeux de ton sujet ?

Mon sujet de recherche porte sur le développement des communautés hospitalières dans le diocèse d’Amiens. Étant donné le grand nombre d’établissements présents dans le diocèse, j’ai choisi de me concentrer sur trois d’entre eux : les Hôtels-Dieu de Montdidier, d’Amiens et d’Abbeville, qui étaient les trois villes les plus importantes de l’époque.

Mon objectif principal est de dresser une chronologie du développement des Hôtels-Dieu dont la mise en place s’est effectuée à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle. Je cherche à comprendre comment s’est déroulée la mise en place initiale du personnel, à observer son évolution et à analyser la relation avec l’autorité de tutelle, en l’occurrence l’évêque qui dirige ces trois communautés hospitalières. Ces congrégations sont mixtes, ce qui représente un développement assez singulier pour l’époque, bien qu’il existe d’autres expériences religieuses similaires. Je cherche à comprendre les raisons de cette singularité et à étudier comment et pourquoi le processus de féminisation s’est enclenché.

J’aborde cette problématique en examinant les titulatures présentes dans les sources et en étudiant l’évolution des différents actes au fil du temps. J’essaie de répondre à ces questions en prenant en compte les phénomènes psychologiques, sociologiques et économiques qui ont joué un rôle, ainsi que l’importance du concile de Trente (1545-1563). L’Église a cherché à se réformer et à prendre des mesures plus strictes concernant ces congrégations, dans le but d’interdire ou du moins de limiter la cohabitation entre les frères et les sœurs. Le personnel masculin va s’orienter vers d’autres enjeux et délaisser le domaine hospitalier.

Je fais commencer mon étude au XIIe siècle, lorsque ces congrégations s’institutionnalisent et se dotent d’une règle, comblant ainsi un manque de statut. C’est également une période charnière (XIIe-XIIIe siècles) lors de laquelle la perception des pauvres évolue et les place comme une figure mystique et une représentation du Christ souffrant. Les dons des fidèles deviennent de plus en plus fréquents et de plus en plus importants. De plus, c’est une période marquée par l’émergence des villes, avec une croissance urbaine significative plaçant les pauvres aux coins des rues. Plusieurs historiens, tels que Michel Mollat et Jean Imbert, ont évoqué une floraison hospitalière à cette époque-là. Ce processus s’est ensuite consolidé jusqu’au XVIe siècle, avec le concile de Trente qui a entériné une évolution initiée depuis les XIVe et XVe siècles.

Quelle est ta méthode de travail et quelles sont tes sources ?

J’ai commencé mon travail en me concentrant sur les sources. J’ai dû élaborer un corpus de sources, et j’ai été aidé par le guide des sources rédigé par Monsieur Montaubin pour les hôpitaux picards. Ensuite, j’ai sélectionné les hôpitaux à étudier parmi les sources disponibles. J’avais un plan en tête : dans une première partie, je voulais poser les bases en abordant les fondations des hôpitaux et les raisons qui ont conduit à leur autonomie croissante à partir du XIIe et XIIIe siècles, puis le mode d’action des communautés hospitalières. Enfin je compte faire une partie bilan de ces sources en démontrant les éventuelles évolutions et comment elles sont représentées puisque, par exemple, pour Montdidier dans un acte datant d’environ de 1240, les sœurs ne sont pas mentionnées alors que dans les statuts vingt-cinq ans auparavant elles sont mentionnées. Il y a un décalage dans les actes.

J’utilise notamment les sources disponibles pour examiner étudier l’émetteur des actes, la manière dont les membres de la communauté sont nommés et comment cela change au fil du temps.

J’ai effectué principalement mes recherches aux Archives départementales de la Somme. J’ai également consulté des documents dans les fonds des Archives municipales d’Amiens, conservés à la Bibliothèque municipale d’Amiens (pour les archives antérieures à la Première Guerre mondiale), et aux Archives municipales d’Abbeville. Les sources que j’ai étudiées sont principalement des actes de la pratique, c’est-à-dire de la vie quotidienne, liés à l’administration et à la pratique juridique. Il s’agit de baux, de titres de propriété, de testaments, de livres de compte, d’actes de fondation et de statuts. Certains de ces documents ont été publiés au début du XIXe siècle, ce qui facilite leur étude, mais ce n’est pas le cas pour tous. La plupart des pièces que j’ai consultées sont des documents inédits qui n’ont presque jamais été sortis et de nombreux dossiers ne sont pas organisés de manière systématique, et que certains cartons n’étaient pas récolés, ce qui demande une certaine adaptation pour chaque fonds.

Peux-tu nous présenter une source récurrente de ton corpus ?

J’ai consulté un certain nombre de cartulaires ; ce sont des recueils de copies d’actes qui constituent le plus souvent la mémoire d’un établissement, ici hospitalier. Ces cartulaires sont utilisés lorsque les hôpitaux sont impliqués dans des litiges avec des tiers. Ils comprennent généralement un sommaire au début et sont parfois organisés thématiquement (privilèges, propriétés, etc.), parfois chronologiquement.

Les documents eux-mêmes changent au fil de la période, tant dans leur style d’écriture que dans leur nombre, ils sont plus nombreux à la fin de la période étudiée. Par ailleurs pour les actes originaux, le support également change au cours de la période puisqu’il y a un passage du support parchemin au support papier. La quantité globale des documents est assez importante, ce qui m’a conduit à me concentrer rapidement sur les trois Hôtels-Dieu mentionnées précédemment.

Quelles sont les thématiques de ton plan ?

Dans ma première partie, j’aborde les fondations des hôpitaux et les raisons qui ont conduit à leur autonomie croissante à partir des XIIe et XIIIe siècles, puis j’ai étudié la régularisation de ces institutions. Dans ma deuxième partie, j’ai approfondi le mode d’action des communautés hospitalières en examinant le processus d’entrée dans ces communautés, ainsi que les questions religieuses qui se posent au sein des hôpitaux. J’ai également examiné la dotation économique de ces établissements. Enfin, dans ma troisième partie, je compte dresser un bilan de mes sources et je vais traiter leur évolution au fil du temps, ainsi que la manière dont les différents aspects sont représentés.

Salle de l’hôtel-dieu de Paris. Gravure du XVIe siècle, reprise dans L’école et la science au Moyen-Age’, en 1893.

Quelles sont les difficultés que tu as rencontrées dans la réalisation de ton mémoire ?

J’ai rencontré certaines difficultés lors de l’étude de ces sources. La connaissance de la paléographie et du latin est nécessaire pour comprendre ces documents. Ils peuvent être parfois difficiles à appréhender en raison de leur style d’écriture et de l’utilisation d’abréviations. De plus, la barrière de la langue se pose puisque les actes sont rédigés en latin, bien que certains actes du XIIIe siècle, dans de rares cas, soient rédigés en vieux français. Malgré mes connaissances en latin, cela peut parfois être difficile. De plus, certaines sources ne sont pas toujours identifiées de manière systématique dans les fonds d’archives.

Cependant, j’ai pu compter sur une bibliographie abondante qui m’a guidée dans mes recherches, même si la plupart des sources n’avaient pas encore été étudiées. En tant qu’historien débutant, il peut sembler difficile d’aborder ces sources qui ne sont pas toujours faciles à appréhender.

Quel est ton projet professionnel après le master ?

J’envisage de poursuivre mes études en réalisant une thèse, mais je ne me ferme pas à la possibilité de changer de période d’étude. Je suis également très intéressé par l’histoire contemporaine. L’année prochaine, j’ai l’intention de suivre une préparation à l’agrégation d’histoire. Paris et Lille notamment proposent des formations de ce type.

En ce qui concerne les thèmes qui pourraient m’intéresser, il y a le monde politique français dans l’entre-deux-guerres et sous l’Occupation ainsi que le rapport que pourraient avoir les écrivains avec le monde politique. Par ailleurs, bien que mon sujet actuel offre déjà une ampleur suffisante pour une thèse, la question des communautés hospitalières et de la charité au Moyen Âge reste un domaine relativement neuf dans l’historiographie. Il y a encore beaucoup à explorer au regard des sources disponibles.

Entretien réalisé par Guiliane Kosiba-Fiérain (M1 Pouvoir et Société) et Nicolas Majet (M1 Pouvoir et Société)


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
camilledesenclos (27 juin 2023). L’évolution du personnel dans les communautés hospitalières dans le diocèse d’Amiens du XIIe au XVIe siècle – Louis Barbier (M2 Pouvoir et Société). Master Histoire, Civilisations et Patrimoine de l'UPJV. Consulté le 15 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/po00


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.