Pour ce nouveau billet de notre rubrique “Paroles d’étudiants”, nous donnons la parole à Clément Pelleriaux, étudiant en deuxième année du Master Histoire, Civilisations et Patrimoine, parcours Phénomène guerrier. Dans le cadre de son mémoire de recherche, il a décidé de traiter de la sortie de guerre et plus spécifiquement de la Seconde Guerre mondiale en étudiants les difficultés de ravitaillement alimentaire à Beauvais au lendemain de la Libération, de 1944 à 1957, sous la direction de Monsieur Philippe Nivet, professeur en histoire contemporaine à l’Université de Picardie Jules-Verne. L’une des spécificités de la ville de Beauvais est que sa destruction est principalement due aux bombardements aériens allemands de 1940, et non, contrairement à de nombreuses villes, à des bombardements alliés.
Peux-tu présenter ton parcours universitaire ?
Je suis en Master 2 Histoire, Civilisations et Patrimoine, parcours Phénomène guerrier. J’ai réalisé l’ensemble de ma licence d’histoire à l’Université de Picardie Jules-Verne, en parcours Histoire-géographie.
Suite à ma licence, j’ai fait le choix de m’orienter vers la voie recherche car j’ai toujours désiré être historien. Ce qui m’a attiré dans la voie recherche, c’est la possibilité qui nous est offerte de pouvoir mener des recherches sur un sujet que nous avons personnellement choisi et par là de contribuer à une meilleure connaissance historique de certains événements et/ou phénomènes.
Je me suis orienté plus spécifiquement vers le parcours Phénomène guerrier, car je m’intéresse au fait militaire depuis de nombreuses années. Les aspects qui m’attirent le plus sont les équipements militaires et les conflits contemporains (du XXe siècle à nos jours).
Quel est ton sujet de mémoire? Pourquoi ce choix géographique?
Mon mémoire s’intitule « Les difficultés de ravitaillement alimentaire à Beauvais au lendemain de la Libération, 1944-1957 ». Ce mémoire est réalisé sous la direction de M. Philippe Nivet, professeur en histoire contemporaine à l’Université de Picardie Jules-Verne et spécialiste de l’histoire de la Picardie à l’époque contemporaine.
J’ai choisi la ville de Beauvais, car c’est ma ville d’origine. Bien que certaines sources traitent plus généralement de l’Oise, j’essaie de me concentrer essentiellement sur Beauvais afin de ne pas me disperser dans mes recherches
Peux-tu nous présenter les enjeux de ton sujet? Quelles sont les différentes thématiques abordées?
À travers ce mémoire, je souhaite mettre en évidence le fait que les difficultés de ravitaillement perdurent bien après la libération de Beauvais, sujet qui est très peu abordé dans l’historiographie locale. Les difficultés alimentaires illustrent le contexte difficile de la sortie de guerre. Je souhaite aussi mettre en perspective la situation propre à l’agglomération beauvaisienne, même si la situation reste dans l’ensemble assez similaire au reste du territoire français.
J’ai choisi d’organiser mon mémoire de manière chrono-thématique afin de montrer l’évolution de la situation. Dans un premier temps, la situation est proche de celle connue durant l’Occupation allemande, puis celle-ci s’améliore malgré la persistance des difficultés et les difficultés de ravitaillement disparaissent progressivement.
Je traite donc plusieurs thématiques à travers ce plan et notamment les différentes difficultés de rationnement (rationnement, pénuries, inflation), les pouvoirs publics concernés par la gestion de cette crise et les actions qu’ils mènent pour y remédier, mais aussi les conséquences de ces difficultés sur la population beauvaisienne. Par ailleurs, j’étudie également le rétablissement progressif de la situation dans la ville en prenant comme exemple le cas des commerces beauvaisiens qui, jusque dans les années 1950, se trouvent dans des constructions provisoires telles que des baraquements ou des wagons reconvertis.

Ce sujet de mémoire était-il ton premier choix?
Je souhaitais réaliser un mémoire sur Beauvais, mais je ne voulais pas travailler uniquement sur le ravitaillement alimentaire. Je voulais plutôt travailler sur la Libération de Beauvais d’un point de vue militaire. Pour ce faire, je voulais utiliser un fonds photographique spécifique à Beauvais (et conservé aux Archives départementales de l’Oise), le fonds Watteeuw, afin d’étudier les mouvements de troupes.
Cependant mon directeur de mémoire m’a fait prendre conscience de la difficulté d’un tel sujet puisque la Libération implique essentiellement les troupes britanniques et allemandes. Cela aurait nécessité que j’aille en Allemagne et en Angleterre, ce qui aurait été trop compliqué dans le temps relativement court d’un mémoire de recherche.
Monsieur Nivet m’a alors proposé deux sujets. Le premier portait sur la résistance et le second sur le ravitaillement. Même si le premier s’inscrivait pleinement dans le fait militaire, je ne l’ai pas choisi par crainte d’être trop limité dans les sources relatives aux réseaux clandestins.
Pourquoi avoir choisi la période la Seconde Guerre mondiale? Et pourquoi clore ton étude en 1957?
Ce que j’apprécie le plus en histoire, c’est d’étudier les conflits et la Seconde Guerre mondiale est l’un de ceux qui m’intéresse le plus. De plus, cette période rencontre mon histoire familiale puisque mon grand-père a connu l’occupation allemande puis la libération de Beauvais. Il a donc connu les difficultés que je traite dans mon mémoire.
Initialement, les bornes chronologiques de mon étude étaient plus restreintes. Mais, suite à de premières lectures, je me suis rendu compte qu’il était plus pertinent de la faire continuer jusqu’en 1957, car la reconstruction de Beauvais s’est terminée tardivement. J’ai également fait le choix de cette date pour une raison symbolique. En effet, en 1957 s’achève la reconstruction de l’hôtel de ville, ce qui marque en quelque sorte la renaissance de la principale place commerçante de Beauvais.
Quelle a été ta manière de procéder?
Dans un premier temps, j’ai dû identifier les principaux fonds d’archives. Ils se trouvent aux Archives Départementales de l’Oise et aux Archives Municipales de Beauvais. Ji alors écrit à ces deux services et demandé s’il était possible de disposer d’un état des sources afin de connaître en substance le nombre de cartons intéressant mon étude ainsi que leur contenu.
Pour constituer ma bibliographie, j’ai sélectionné principalement des ouvrages relatifs au ravitaillement, car j’avais en amont constitué une première bibliographie sur la ville de Beauvais et son histoire. Lors de mes lectures, j’ai noté pour toutes les informations qui me paraissaient pertinentes, la référence exacte de la page afin de pouvoir aisément y avoir de nouveau accès lors de ma rédaction. J’ai majoritairement réalisé ce travail bibliographique avant de me rendre aux archives mais je l’ai continué un petit peu ensuite.
J’ai suivi la même méthode pour les sources d’archives. Pour chaque carton, j’ai réalisé un dépouillement complet c’est-à-dire que j’ai consulté l’ensemble des documents issus de ces cartons afin de déterminer lesquels seraient intéressants, puis suite à cette première lecture, je les ai scanné via une application sur mon téléphone. Ensuite, je leur ai attribué un numéro propre avec la cote du carton et les ai classés par date et par thème. J’ai aussi noté ces informations dans un cahier dans le cas où je viendrai à perdre ces photos. Suite à cela, j’ai étudié les grandes thématiques abordées par ces documents afin d’adapter mon plan. Puis, j’ai utilisé les informations contenues dans chaque document afin d’appuyer mes propos au cours de ma rédaction.
Quelles sont les sources qui composent ton corpus?
Je dispose de nombreuses sources administratives qui émanent de différentes institutions ; la majorité provient de la préfecture de l’Oise, des services du ravitaillement et de la mairie de Beauvais. Je travaille aussi sur des sources iconographiques, dont une quinzaine proviennent du fonds Watteeuw ; d’autres sont issues de mon fonds personnel (photographies et cartes postales achetées sur des sites internet). Enfin, certaines photographies, uniquement reproduites dans des ouvrages, ont été intégrées au corpus.
Pour mon mémoire, je travaille avec deux grands types de sources : les sources écrites et les sources iconographiques. Pour les sources écrites, j’utilise principalement des rapports mensuels qui traitent de la situation du ravitaillement dans l’Oise. Ce sont des rapports produits par les services départementaux du ravitaillement destinés au préfet. Ces rapports sont conservés aux Archives Départementales de l’Oise.
Pour les sources iconographiques, je me sers essentiellement du fond Watteeuw. C’est un fonds photographique comportant 40 000 clichés et tirages. Ce fonds a été produit par un photographe amateur beauvaisien nommé Fernand Watteeuw (1913-2003). Ces clichés ont été pris entre 1929 et la fin de sa vie. Ce fonds se trouve aux Archives départementales de l’Oise (30 Fi).
Comment fais-tu pour intégrer dans ton mémoire des documents iconographiques qui ne sont pas référencés?
On trouve généralement une date sur les documents, étant donné que l’éditeur est souvent inscrit sur les cartes postales; cela me permet d’établir une datation approximative. Pour le photographe à l’origine de la carte postale, c’est plus compliqué et je n’arrive pas toujours à le déterminer. Enfin, lorsque je cite ces sources dans mon mémoire, je ne mets pas de cote mais uniquement « collection personnelle ».
Quelles sont les difficultés que tu as pu rencontrer?
Sur le plan rédactionnel il m’a fallu quelques semaines avant de trouver de l’inspiration. Mais j’ai réussi à surmonter ce syndrome de la page blanche en me forçant à écrire, quitte à revenir plus tard sur ce que j’avais écrit pour le modifier.
Je n’ai pas manqué de sources pour traiter mon sujet, bien que le sujet du ravitaillement ait été peu traité. Mais au début de mes recherches, j’ai rencontré quelques problèmes d’accès à certaines sources. Cette situation s’est améliorée par la suite grâce à des échanges avec les services d’archives.
Enfin, suite à ma soutenance de première année de master, il m’a été suggéré de rajouter des cartes de Beauvais. Cependant, je n’ai pas réussi à obtenir l’accès à ces cartes, j’ai donc fini par en acheter en passant par des sites internet. Ces cartes ont pour intérêt de montrer les rues et le bâti de la ville afin de situer les principaux lieux mentionnés dans mon mémoire.
Quel est ton projet professionnel?
J’aimerais continuer dans la recherche. Il faudrait donc que je fasse une thèse. Mais je sais qu’il y a beaucoup de demandes et que les places ne sont pas très nombreuses. J’envisage donc également d’effectuer des stages en rapport avec l’histoire afin d’enrichir mon dossier mais aussi de faciliter mon choix d’orientation. Je réfléchis enfin à préparer le concours de bibliothécaire ou d’autres concours de la fonction publique. Une dernière option serait de passer le CAPES d’histoire, d’autant plus que j’ai l’avantage d’avoir fait un parcours histoire-géographie en licence.
Entretien réalisé par Guiliane Kosiba-Fiérain (M1 Pouvoir et Société) et Hugo Laporte (M1 Phénomène Guerrier)
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
camilledesenclos (22 mars 2023). Les difficultés de ravitaillement alimentaire à Beauvais au lendemain de la Libération – Clément Pelleriaux (M2 Phénomène guerrier). Master Histoire, Civilisations et Patrimoine de l'UPJV. Consulté le 19 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/pnzn