Les routes du Proche-Orient romain et leur rôle dans le contrôle et l’appropriation du territoire (Ier-Ve siècles apr. J.-C) – Abdelhadi Yahiaoui (M2 parcours Pouvoirs et Sociétés)

Pour ce dernier billet de l’année 2023-2024, pour la rubrique Paroles d’étudiants, nous donnons la parole à Adbelhadi Yahiaoui, étudiant en deuxième année dans le master Histoire, Civilisations et Patrimoine parcours Pouvoirs et Sociétés. Ce dernier réalise un mémoire intitulé« Les routes du Proche-Orient romain et leur rôle dans le contrôle et l’appropriation du territoire (Ier-Ve siècles s apr. J.-C.) ». Il réalise ce travail sous la direction de Catherine Apicella, maîtresse de conférences en histoire ancienne à l’Université de Picardie Jules-Verne et spécialiste de l’histoire du Proche-Orient hellénistique et romain.

Peux-tu présenter ton parcours universitaire ? Pourquoi avoir choisi ce master ?

J’ai effectué une licence d’histoire à l’Université de Picardie Jules-Verne. Alors que mon projet initial était de suivre une école de journalisme, je me suis orienté, par passion pour l’histoire, vers le master Histoire, Civilisations et Patrimoine dans cette même université. Dans le cadre de ce master j’ai choisi le parcours recherche puisque la réalisation d’un mini-mémoire m’avait énormément plu et je souhaitais aller plus loin dans la pratique de la recherche.

Quel est ton sujet ? Qui est ton directeur de mémoire ? Pourquoi avoir choisi ce sujet ?

Ma première envie était de réaliser un mémoire sur le Proche-Orient médiéval; cependant, j’ai rencontré des difficultés pour trouver un directeur de recherche. C’est pourquoi je me suis tourné vers un sujet en histoire ancienne. J’ai alors décidé de me concentrer sur les routes comme moyen d’appropriation du pouvoir et sur le Proche-Orient car c’est une région qui m’intéresse et qui a peu fait l’objet d’études.

Quelles sont tes hypothèses de travail, ta problématique et les enjeux de ton sujet ?

L’objectif principal de mon sujet est de démontrer l’importance des routes comme moyen d’appropriation du pouvoir durant l’Antiquité. En effet, les routes sont la représentation de plusieurs types de pouvoirs : culturels, commerciaux et religieux. Mon hypothèse est que les routes sont non seulement des moyens de contrôle du territoire à travers le contrôle et la transmission de l’information, mais elles sont aussi un vecteur de l’idéologie impériale. 

Mon sujet débute au I^er siècle après J.-C. car dès celui-ci, Auguste met en place le cursus publicus, ce qui a pour conséquence le début de grandes campagnes de bornage des routes. Je l’étends jusqu’au V^e siècle apr. J.-C. car à cette période l’attention du pouvoir est concentrée sur les incursions barbares et la gestion des routes est de plus en plus déléguée, ce qui a pour conséquence une rareté accrue des bornages de celles-ci. 

Les routes furent principalement étudiées pour la partie occidentale de l’Empire. Toutefois, pour la partie orientale, les travaux sont plus réduits. De plus, lorsque travaux il y a, ces derniers se concentrent davantage sur la structure des routes. La mise en lien avec le contrôle du territoire demeure, ainsi, une thématique rare. Ma problématique se concentre donc sur l’étude des manières directes et indirectes, par lesquelles les routes sont utilisées par le pouvoir pour contrôler et s’approprier le territoire des provinces proche orientales du Ier au Ve siècle de notre ère. 

Quelle est ta manière de procéder ? As-tu des méthodes ou des outils particuliers ? Un calendrier ? Une application ?

Je n’ai pas de méthode particulière pour réaliser mon travail. Je suis actuellement dans une période très intensive de rédaction mais je n’ai pas de calendrier spécifique. J’écris au fur et à mesure que je fais des recherches et lorsque je suis pleinement disponible pour l’écriture.

Quelles sont les sources qui te permettent de traiter ton sujet ? 

Mes sources sont principalement épigraphiques, comme des bornes milliaires mises sur les bords des routes chaque miles. Ces bornes ont généralement été retrouvées directement sur le terrain, au Proche-Orient. Celles-ci étaient réalisées en pierre locale et elles portaient une inscription indiquant la distance entre les villes. Elles ont, pour la plupart, fait l’objet d’une édition. L’exception notable demeure une série d’inscriptions en grec, datée de Julien (361-363 apr. J.-C.) qui sont reportées dans la thèse non éditée de T. Bauzou, A finibus Syriae: recherches sur les routes des frontières orientales de l’Empire Romain (1989). La langue utilisée sur les bornes me permet de réfléchir à certaines questions : pourquoi le latin est-il utilisé contrairement à l’araméen par exemple, cela indique des rapports de pouvoirs différents. En effet, l’utilisation d’une langue plutôt qu’une autre permet de faire des hypothèses sur le destinataire de ces bornes mais aussi sur les volontés du pouvoir.

L’autre partie de mes sources est littéraire. Il s’agit par exemple d’ouvrages historiographiques de Strabon, ou d’Ammien Marcellin, ou des romans grecs comme celui de Chariton d’Aphrodise. Je les utilise avec un autre regard puisque ces sources ne traitent pas directement des routes; en revanche, il est possible de trouver des informations concernant la distance entre les villes et la manière dont elles étaient reliées.

Peux-tu présenter une source représentative de ton sujet ?

L’une des sources les plus importantes de mon sujet est la table de Peutinger, une carte des routes romaines recopiée au XV^e siècle d’après un modèle antique. Celle-ci montre que les routes sont utilisées dans le cursus publicus, un service important car c’est le lieu où transite l’idéologie de l’empereur, l’administration et l’armée. En effet, le cursus publicus parfois appelé vehiculatio durant le Haut Empire, est le service de poste impérial qui assurait les échanges officiels et administratifs au sein de l’Empire romain. Son réseau nous est connu par cette fameuse Table de Peutinger. Cette table est proche d’une carte routière et a la particularité d’être la seule carte de l’Antiquité romaine qui nous soit parvenue. Il s’agit d’un plan aplati de l’Empire; il représente les 200 000 kilomètres de routes qui composent le réseau du cursus publicus. Cela me permet d’avoir une vision d’ensemble des routes et de leurs utilisations. En effet, la première partie de mon mémoire est un inventaire des routes avec une description précise. L’utilisation de cette table est donc nécessaire puisqu’elle apporte des informations sur les villes et leur organisation en réseau. En croisant les éléments de cette carte avec d’autres sources, il m’est possible de reconstituer précisément la composition du cursus publicus, c’est-à-dire le nombre d’étapes et la distance entre ces dernières.

Quelles sont les difficultés que tu as rencontré dans la réalisation de ton mémoire ? 

La principale difficulté, bien qu’il s’agisse d’une étape incontournable en histoire ancienne, est l’utilisation du latin dans mes sources. La plupart des sources sont traduites, ce qui me facilite la lecture des bornes. Quand elles ne sont pas traduites, j’utilise mes connaissances en latin pour les traduire. Cela me permet pleinement de traiter mes sources. En outre, les sources littéraires sont parfois allusives et ne présentent pas précisément les routes. Néanmoins, je les utilise, surtout lorsqu’elles traitent de l’usage des routes et des structures présentes sur celles-ci, comme les gîtes, relais, forts, stations douanières ou militaires. Cela me permet, en traitant mes sources conjointement, d’étudier les routes les plus efficacement possible.

 Quel est ton projet professionnel après le master ?

J’aimerais présenter les concours de l’enseignement, d’abord le CAPES puis l’agrégation d’histoire. Ainsi, je pourrais obtenir un financement pour une thèse. J’aimerais réaliser mes recherches sur le monde musulman médiéval, et principalement sur la vie civique d’une ville musulmane de Syrie entre le VII^e et le IX^e siècle. Un autre sujet qui m’intéresserait serait la manière dont s’est façonné la figure des compagnons du prophète dans l’historiographie musulmane traditionnelle. Je suis encore en réflexion pour déterminer un sujet précis. Ces sujets m’intéressent puisque j’ai toujours voulu réaliser des recherches sur le Proche-Orient médiéval, et ce d’autant plus que je suis arabisant. En outre, la genèse de l’islam et la manière dont le Coran s’est répandu sont des études qui ont été peu réalisées en France. 

Billet rédigé par Hugo Bauduin (Master 1 Pouvoirs et Sociétés) 

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