Le parcours d’un diplômé du master HCP et aujourd’hui post-doctorante – Mathilde Greuet

Pour ce cinquième et dernier billet de notre rubrique “Paroles de diplômés”, nous vous proposons de découvrir le parcours de Mathilde Greuet, diplômée du master Histoire, Civilisations et Patrimoine dans le parcours Phénomène Guerrier en 2017. Actuellement post-doctorante, ce billet retrace son parcours universitaire et professionnel. 

Quel a été votre parcours universitaire ? Pourquoi avoir choisi le parcours Phénomène Guerrier de l’Université de Picardie Jules-Verne ? 

J’ai commencé mon parcours universitaire par deux années de classes préparatoires spécialité théâtre au lycée Faidherbe (Lille). J’ai choisi d’effectuer une troisième année à l’Université de Picardie Jules-Verne avec une licence Histoire-Géographie, car je voulais rejoindre le master Phénomène Guerrier par la suite. J’ai toujours été intéressée par la Première Guerre mondiale et ayant grandi dans la Somme, j’ai côtoyé les musées et les cimetières militaires du département. Par ailleurs, je participe à des reconstitutions historiques depuis l’âge de 16 ans. Je savais donc que je voulais approfondir mes connaissances sur la Grande Guerre et sur la guerre en général. Après la validation de ce master en 2017, j’ai réalisé un second master, professionnel, de gestion du patrimoine culturel à l’Université d’Artois entre 2017 et 2019. Ensuite, j’ai fait un doctorat à l’Université de Lille, sur les ruines de guerre dans les Hauts-de-France de 1921 à nos jours, sous la direction de Stéphane Michonneau, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Lille, et Philippe Nivet, professeur d’histoire contemporaine à l’UPJV. J’ai ainsi conservé un lien avec l’UPJV, et ce d’autant plus que les membres de mon Comité de Suivi Individuel étaient Xavier Boniface et Emmanuelle Cronier, tous deux enseignants-chercheurs à l’UPJV. J’ai soutenu ma thèse en janvier 2024 devant un jury composé de Jean-François Condette, Jean-Philippe Gold, Jérôme Grévy, Anne Hertzog, Patrice Marcilloux, Stéphane Michonneau et Philippe Nivet.

Quels ont été vos axes de recherche en master ? Sont-ils en lien avec votre profession actuelle ? Et si non que vous ont-ils apporté ? 

Lors de mon master à UPJV, j’ai travaillé sur la reconstruction en Picardie après la Première Guerre mondiale, sous la direction d’Emmanuelle Cronier, alors maitresse de conférences en histoire contemporaine à l’UPJV. En Master 1, j’ai étudié la reconstruction en général au sud et à l’est de Péronne. En Master 2, mes recherches se sont portées sur la reconstruction des voies de chemin de fer, des infrastructures ferroviaires et des cités cheminotes sur le nœud ferroviaire d’Amiens, donc la gare du Nord, Saint-Roch et Longueau. Pour mener ces recherches, j’ai beaucoup travaillé aux Archives départementales de la Somme et notamment sur la sous-série 10 R, relative aux dossiers d’indemnisation des dommages de guerre. J’ai également travaillé directement dans les villages, à partir des archives communales. En deuxième année, j’ai collaboré avec l’ARPDO-rotonde 80, une association de cheminots ayant conservé un grand nombre d’archives sur les cités cheminotes et les chemins de fer. Ces recherches m’ont aidé pour mon doctorat puisque j’ai travaillé sur les ruines de guerre.

Avez-vous eu l’opportunité de faire des stages en master ? Pouvez-vous nous dire ce que le master et les stages ont apporté à votre parcours ? 

Le master m’a appris les bases du métier d’historien : la recherche en archives, la constitution d’une bibliographie et de larges connaissances sur le phénomène guerrier qui permettent de mettre en perspective les données que je collecte. Mon expérience personnelle a aussi forgé l’historienne que je suis aujourd’hui, puisque dès le master, j’ai eu une approche où je couplais les recherches en archives et le travail sur le terrain. C’est grâce au master que j’ai appris à faire une analyse à partir de documents anciens, de sources secondaires et de données du temps présent. C’est aussi en master que j’ai acquis les bases de la vulgarisation scientifique, afin que mes recherches soient utiles et compréhensibles par la plupart des publics.

J’ai eu l’occasion de faire un stage à l’historial de Péronne lors de ma première année de master. À l’époque, j’hésitais entre faire un doctorat et travailler directement après. J’ai donc effectué le stage pour avoir une première expérience professionnelle dans le patrimoine culturel. C’est ce qui m’a ensuite poussé à faire un master professionnel et m’a permis de me construire un premier réseau pour le doctorat. Lors de mon stage, j’ai pu me servir de mes connaissances pour réaliser un petit guide de présentation des villes aux alentours avec les différents bâtiments de la reconstruction de 1915 à 1932. À la fin, j’ai réalisé une présentation orale sur la reconstruction et la nuance entre reconstruction et reconstitution des sites. Elle s’adressait à tous les publics et j’ai pu faire un petit parcours guidé autour de Péronne pour présenter directement au public les édifices sur lesquels j’avais travaillé.

À la fin de votre M2, est-ce que vos perspectives d’avenir étaient claires ? Étaient-elles en lien avec votre métier actuel et votre parcours ? 

À la fin du master, j’hésitais à me diriger vers le doctorat, mais Xavier Boniface, professeur d’histoire contemporaine à l’UPJV, m’a prévenu que cela risquait d’être compliqué cette année-là. Il m’a donc recommandé le master professionnel gestion du patrimoine culturel à l’Université d’Artois, et j’ai suivi son conseil. Cela m’a permis d’acquérir des compétences différentes d’un master recherche, telles que des connaissances en matière de valorisation du patrimoine. J’ai également pu mener des projets et des stages qui m’ont formée à la gestion de projets et au management d’équipe. J’ai tiré de nombreuses leçons des exemples qui m’ont été donnés par mes professeurs et par les professionnels qui nous encadraient.

À la suite de ce master avez-vous eu une formation à suivre afin de vous spécialiser ou avez-vous passé un concours ? 

J’ai pensé à passer des concours pour entrer dans la fonction publique suite à mon doctorat, tels que le concours d’adjoint du conservateur du patrimoine ou celui d’ingénieur de recherche. Cependant, je n’ai pas poussé mes recherches puisque France Travail n’a pas su me conseiller sur les concours à passer et que je n’ai pas eu beaucoup l’occasion d’en discuter avec d’autres personnes. Surtout, ayant obtenu un contrat post-doctoral immédiatement après mon doctorat, j’ai repoussé l’idée. Pour autant, j’en passerai sûrement un jour. 

Combien de temps avez-vous mis pour trouver votre premier emploi ? Comment l’avez-vous trouvé ? En quoi a-t-il consisté ? 

Juste après mon master à l’Université d’Artois, j’ai répondu à un appel à candidatures pour un doctorat financé dans le cadre du projet “Ruines”, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) . Cela consistait à prolonger le travail de la thèse d’Emmanuelle Danchin (Le temps des ruines, 1914-1921) qui se concentre sur les ruines pendant le conflit et la reconstruction. J’ai commencé ma thèse en 2019, sur les ruines de guerre dans les Hauts-de-France de 1921 à nos jours. Je me suis intéressée à l’utilisation des ruines après leurs reconstructions, à leur transformation en lieu de mémoire et plus largement à l’aspect culturel, patrimonial et touristique de ces ruines. Au cours de mes recherches, un groupe s’est formé autour des villages martyrs, les villages détruits par les nazis entre 1940 et 1945. Au niveau méthodologique, je vais au contact des associations pour avoir accès à leurs archives et savoir ce qui se fait aujourd’hui. J’ai soutenu ma thèse le 17 janvier 2024 et l’ANR doit s’achever en fin d’année.

Ma thèse n’a pas été évidente, car elle s’est déroulé pendant la pandémie de Covid une majeure partie du temps. Malgré tout, j’ai pu rencontrer de nombreuses personnes qui ont su se rendre disponibles pour m’aider dans mes recherches. Le fait d’être dans une ANR permet de rencontrer des professionnels issus de disciplines variées, comme des géographes, des psychologues ou des personnes du domaine de la culture, ce qui est très enrichissant.

Pourriez-vous nous dire en quoi consiste votre métier actuel ? 

Je suis actuellement en post-doctorat. Ce sont des contrats accessibles directement après la thèse. J’ai un contrat de 16 mois avec l’Armée de l’Air et je travaille sur le projet Cigaia dans leur Centre de Recherche de l’école de l’Air (CReA). Ce projet vise à créer une Intelligence Artificielle pouvant aider à comprendre les débats et l’influence de ces débats sur une guerre. Pour ce projet, nous travaillons sur un sujet actuel : la guerre en Ukraine. Par conséquent, les sources sont parfois un peu compliquées à obtenir. Pour ce projet, j’ai été recrutée à la suite d’une docteure en sciences politiques. L’équipe est d’ailleurs composée de deux docteurs en histoire et de deux docteurs en sciences politiques. Nous avons des approches différentes mais complémentaires. Ma plus-value principale est de faire le lien entre les débats qui existent actuellement et ceux qui ont pu exister dans le passé. Je fais aussi des recherches sur les origines de ces débats anciens qui refont parfois surface de nos jours. De manière très schématique, là où mes collègues ont une analyse fine et poussée sur le temps présent, j’apporte une explication sur le contexte et ses origines. Le CReA est associé à d’autres laboratoires et nous allons mettre en place un dialogue avec des informaticiens : mon expertise permettra alors d’aider à écrire les lignes directrices qui entraîneront l’IA à l’analyse des textes.

Quelles sont vos perspectives professionnelles futures ?

Je ne sais pas encore comment les réaliser, mais j’aimerais par la suite retourner vers les métiers du patrimoine et notamment vers la valorisation et la recherche. Idéalement, je souhaiterais accéder à des fonctions telles qu’ingénieur de recherche ou adjoint au conservateur. Le métier de journaliste d’investigation me tente également de plus en plus. J’aimerais pouvoir avoir un métier qui me permettrait de continuer la recherche tout en ayant un lien avec le phénomène guerrier. 

Concernant la formation suivie à l’UPJV, avez-vous un mot à dire aux étudiants ou futurs étudiants qui veulent suivre cette voie ?
Pour moi, l’essentiel est de beaucoup discuter, garder les contacts et se créer un réseau. Pour les étudiants du parcours Phénomène Guerriers en particulier, les archives, notamment iconographiques, peuvent parfois être difficiles, surtout lorsque l’on travaille sur des sujets abordant la guerre. Il faut faire attention à ne pas se replier sur soi-même et veiller à avoir quelqu’un à qui parler en dehors. J’ai particulièrement apprécié les cours sur les traumatismes de guerre. Je voulais être psychiatre avant de me rendre compte en Première scientifique que je ne ferai jamais médecine. Ce cours était donc une fenêtre ouverte sur un monde qui me passionne. Mais le cours a eu un autre effet inattendu. Apprendre comment des troubles se manifestent chez les soldats et les victimes de guerre m’a fait prendre conscience que certaines archives provoquaient des phénomènes similaires, quoique bien moins forts, sur moi. Je dois beaucoup à ce cours pour la préservation de ma santé mentale face à des archives et témoignages particulièrement difficiles.

Billet rédigé par Eléonore Mathieu (M1 Histoire et Archéologie), Maëva Broutin (M1 Phénomène Guerrier) et Maïwen Denniel (M1 Pouvoirs et Sociétés)

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